Le casino de Divonne-les-bains a ouvert le 1er juillet 1954, à titre d’essai, dans un local provisoire. On avait installé les tables de boule, roulette et baccara au rez-de-chaussée de l’hôtel du Golf (actuel Grand Hôtel du Domaine de Divonne).
Deux hommes d’affaire, Louis Bernard-Lévy et Fleury Creton venaient d’acheter le patrimoine de la Société des Bains : établissement thermal + domaine hôtelier (hôtel du golf, grand hôtel et hôtel Chicago) + domaine récréatif (terrain de golf, tennis, théâtre). L’investissement était considérable. Ils tentaient la création d’un casino pour redresser ce beau patrimoine qui s’était dégradé pendant l’Occupation.
Divonne-les-Bains étant une station thermale, le député-maire Marcel Anthonioz, avait obtenu facilement l’autorisation d’ouvrir un casino. La Société de marchands de biens Bernard-Lévy pariait sur le redémarrage de ce complexe thermal et touristique, mais ne se sentait pas capable de gérer un casino. Elle fit appel à un de ses amis, Fleury Creton, réputé pour sa capacité à relever des affaires au bord de la faillite. Fleury Creton, né avec le siècle, originaire de Dunkerque, venait de remonter avec succès le Palais d’Hiver de Lyon, une très grande salle de spectacles.
Louis Bernard-Lévy d’abord, Fleury Creton ensuite, sont venus visiter Divonne. Ils ont tout de suite compris que la proximité de l’aéroport international de Cointrin était une aubaine. Et en plus, « Le vrai joueur, celui qui joue pour gagner, va toujours au plus près. Or Divonne est plus près de Genève qu’Evian. Il n’était pas sorcier de voir que Genève bloquée vers l’est se développerait vers la France. Divonne, c’est la banlieue de Genève. » a pensé Fleury Creton, lorsque le 25 janvier 1954, il est venu avec son épouse et leur fils repérer Divonne.
Néanmoins, ils restaient prudents. Ils ont posé leurs conditions : « Si le chiffre d’affaire de 35 millions de Francs n’est pas réalisé le 31 octobre, nous mettons la clef sous la porte ! » Ils avaient en tête, et les Divonnais avec eux, l’échec du casino municipal qui avait fait faillite en 1934 après avoir régulièrement pleuré misère auprès de la municipalité. Sans compter que les casinotiers pressentis par Marcel Anthonioz, quand ils sont venus repérer les lieux n’ont pas voulu se lancer dans l’aventure, considérant Divonne comme un trou perdu au bout de la France.
Roger Tardy explique très bien dans son livre Le Pays de Gex, terre frontalière que pour limiter les risques, Louis Bernard-Lévy et Fleury Creton ont séparé l’affaire en deux sociétés distinctes :
– La Société anonyme de Divonne-les-Bains qui continua d’exploiter comme précédemment l’ensemble hôtelier, thermal et récréatif. Louis Bernard-Lévy en devint à 32 ans le PDG.
– La Société d’Exploitation du Casino de Divonne-les-Bains, une société secondaire, indépendante, fondée le 28 juin 1954, qui limitait son champ d’action au jeu. Fleury Creton en fut le PDG. Il fut aussi le premier directeur du casino, secondé par son épouse Marie-Thérèse Creton.
Le 1er juillet 1954, la fête d’inauguration du casino fut grandiose. Louis Bernard-Lévy et Fleury Creton avaient invité le gratin franco-suisse. Le Journal de Genève cite les invités : Le député-maire de Divonne Marcel Anthonioz, le préfet, le sous-préfet, le consul général de France à Genève, le secrétaire général de la préfecture de l’Ain, le président de l’association de l’hôtellerie saisonnière de France, le président du Cercle français de Genève… Le bal fut mené par l’orchestre Tony Burdet. Les dames portaient la robe longue. Le cocktail, préparé à Paris, arrosé de champagne, était grande classe. La musique se fit entendre jusqu’à l’aube… Ce style de soirée élégante restera la marque de fabrique de la période Creton. Ce qui n’empêchera pas Fleury Creton et son épouse d’organiser régulièrement pour les Divonnais des fêtes sympathiques et sans chichis où enfants et adultes s’amuseront de bon cœur.

On mit tout de suite en place un service de cars quotidien de Genève et de Lausanne, en après-midi et en soirée. Le succès du casino fut immédiat, inouï, spectaculaire. Les casinotiers qui avaient refusé de s’installer à Divonne ont dû regretter d’avoir manqué le coche ! Les 35 millions que l’ont espérait voir réalisés le 31 octobre, ont été réalisés le 12 août! Incroyable mais vrai ! Vite, vite, on entreprit les travaux. Le 3 juillet 1955 les salles de jeux ont bénéficié de locaux plus vastes et confortables qui leur furent dédiés.
Très vite, on aménagea la rue des Bains, on y ouvrit des commerces de luxe. Dès juillet 1955, le premier Festival International de Musique de Chambre plaça Divonne au rang des plus grands festivals européens. En 1956, on perça la rue Fontaine. En 1961, le casino de Divonne fut sacré premier casino de France par le produit des jeux. Divonne embellissait de jour en jour. Les Divonnais en étaient fiers.










