Festival international de musique de Chambre de Divonne – seconde période : de 1989 à 2008

« Cure de jouvence à Divonne » titrait le Journal de Genève le 23 février 1989.
« Souffle d’air frais au vénérable Festival International de Divonne : l’altiste Jean Auberson vient d’être nommé directeur artistique de la manifestation. Créé voici 35 ans, le Festival ronronnait de son prestige ; le musicien suisse veut dépoussiérer son image de marque et ouvrir Divonne à la convivialité musicale. »

Nouvelle direction, mais toujours le même lieu d’accueil : l’adorable petit théâtre du casino de Divonne. D’emblée Jean Auberson élargit le public. Tarifs plus abordables, formule dégressive pour trois concerts. Ambiance plus décontractée, plus moderne. Programmes innovants. Plaisir de la découverte. Cocktails sous les arbres somptueux du parc du Domaine de Divonne. Voilà lancé celui qui sera le plus petit des grands festivals.

Soirée de gala 1989 – Jean Auberson, directeur artistique, au centre. A gauche, la harpiste Marielle Nordmann et Jean-Pierre Gounod, président des Amis du Festival – A droite, le maire de Divonne, Jean-Claude Pruvost et en robe blanche, Nicole Joubert, secrétaire.

Place aux jeunes talents !
Le merveilleux violoniste Vadim Repin avait 19 ans (et déjà 10 ans de carrière internationale derrière lui !) quand il joua à Divonne le 11 juin 1991. Eblouissant ! Nombreux furent les jeunes interprètes que Jean Auberson poussa vers la notoriété : le violoncelliste Gautier Capuçon, les violonistes Corey Cerovek, Maxime Vengerov, Vadim Gluzman, etc. Renaud et Gautier Capuçon, de même que Vadim Repin furent des habitués du Festival. On ne peut citer ici tous les talents qui enchantèrent le public divonnais.

Vadim Repin en 1991

Le quatuor : le must de la musique de chambre
La marque de fabrique du Festival de Divonne fut sans doute la prédilection que Jean Auberson portait à la formation privilégiée de la musique de Chambre : le quatuor, qu’il connaissait bien, étant lui-même altiste. Dans le désordre : Quatuor Ysaÿe, Quatuor Borromeo, Quatuor Emerson, Quatuor Arcanto, Quatuor Lindsay, Quatuor Sine Nomine, Quatuor Artémis, Quatuor Alban Berg, Quatuor Voce, Quatuor Pacifica, Quatuor Prazak… Tous furent au programme. On entendit même à Divonne la légende du quatuor, les Guarneri, en 2000, pendant leur dernière tournée dans leur formation de base.

Le Quatuor Lindsay 1991
Photo Bureau de concerts Werner.
Le trio aussi eut sa place au tableau d’honneur!


L’art du luthier était mis à l’honneur avec émotion par des expositions et par des conférences du maître-luthier Claude Lebet. On portait l’attention sur l’instrument joué par l’interprète. On venait de loin pour écouter le violon autant que le violoniste. En 2007, quand Corey Cerovsek joua sur le Stradivarius « Milanollo » (celui de la violoniste du 19e siècle Teresa Milanollo), le luthier Aleth Michel qui faisait une recherche sur Teresa Milanollo, vint de Bristol pour écouter l’instrument, l’observer, pour rencontrer Corey Cerovsek et le propriétaire du Stradivarius.

Maxime Vengerov dans l’Histoire du Soldat…

Les concerts-tôt 
Nouveauté 1998 : les apéritifs musicaux, des « concerts d’exception à des prix d’exception« , qui deviendront avec succès les concerts-tôt. Quelle bonne idée, des concerts courts le dimanche matin à 11h, en famille! Quelle gentille introduction à la grande musique pour les enfants! Les musiciens avaient joué la veille, ou joueraient le lendemain en soirée, ces petits concerts en matinée leur offraient sans doute une écoute rafraichissante. Bien sûr, sans jamais déroger à la qualité artistique.

L’ambiance Festival 
Les conférences ou exposés d’avant-concert du musicologue d’André Tubeuf, les concerts-courts (sans entr’acte), quelques concerts gratuits, des concerts déplacés en l’église abbatiale de Bonmont… Le Festival vivait. Il participait à la vie divonnaise. Les restaurants adaptaient leurs horaires. Les festivaliers pouvaient dîner en avant concert ou en après concert et bénéficiaient de tarifs particuliers dîner+concert. Les émissions de la Radio Suisse Romande La Première étaient enregistrées en live du petit théâtre qui s’appelait « Cinéma-Théâtre André Dussollier ». L’accès au théâtre pour assister à ces émissions était libre.

Une double page du Divonne Animation Magazine, la petite revue mensuelle éditée par l’Office de Tourisme de Divonne.

Les Amis du Festival soutenaient le Festival depuis 1956. A partir de 1980, le président fut Jean-Pierre Gounod, arrière-petit-fils du compositeur Charles Gounod, secondé par le docteur Lionel Vidart. L’association fut dissoute en 1999.
Des grandes entreprises parrainèrent le Festival avec élégance : Philip Morris, Raymond Weil… Genève était attentive au plus petit des grands festivals.

2007 fut la dernière année du Festival dans sa mouture Jean Auberson.
Et l’avant-dernière année du Festival.

Hubert Benhamou, le PDG du Domaine de Divonne, tenta en 2008 une nouvelle formule en nommant à la tête du Festival Eve Ruggieri, productrice d’émissions de radio et télévision, appréciée du public pour son talent d’animatrice et de conteuse. Elle composa un joli programme en introduisant une partie lyrique. Cette tentative d’un autre Festival ne fut pas réitérée.

Le Domaine de Divonne a tué sa poule aux œufs d’or. C’est qu’un changement avait bouleversé la donne : le Groupe Partouche, spécialiste des machines à sous, mais peu enclin au mécénat, a racheté le casino de Divonne en 2005 dans un contexte défavorable aux casinos français voisins de Genève. Le maire de Divonne, à l’époque Etienne Blanc, ne parvint pas à faire valoir l’article du cahier des charges selon lequel un casino doit offrir à sa ville d’accueil une manifestation culturelle de niveau international chaque année.

Ne soyons pas ingrats ! Remercions le casino de Divonne d’avoir mécéné pendant plus d’un demi-siècle ce prestigieux Festival ! Merci, Casino ! d’avoir donné vie chaque année, de 1955 à 2008, à des concerts sublimes, faciles d’accès, dans un cadre délicieux. Les auditeurs se trouvaient à quelques mètres seulement des plus grands musiciens du monde. Ils captaient leur interprétation infiniment mieux que s’ils s’étaient trouvés dans une grande salle de concert. Les Divonnais ont eu le privilège d’être proches du grand art. Même ceux qui n’assistaient pas aux concerts, bénéficiaient, deux semaines par an, de son aura.

Ah! J’allais oublier : le petit théâtre du Domaine de Divonne a été relooké, sauf erreur, en 2002.

Annie Grenard

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