Un aqueduc construit par les Romains au 1er siècle captait la source Emma (à côté du casino de Divonne) et la source Ausone (qui jaillit sous le casino). Il conduisait leur eau pure et abondante à Noviodunum (aujourd’hui Nyon), le centre urbain de la Colonia Julia Equestris.

La période de construction de l’aqueduc est à mettre en relation avec la construction des thermes de Noviodunum qui datent du 1er siècle. L’aqueduc était souterrain sur toute sa longueur de 10 ou 11 km. Les aqueducs romains étaient presque toujours enterrés, afin que l’eau soit protégée des salissures et qu’elle reste potable. On connait maintenant l’intégralité de son parcours, sauf son lieu d’arrivée à Nyon. Il a été utilisé pendant environ 250 ans. C’était un canal voûté, constitué de moellons et mortier, enfoui sous terre à une profondeur de 0,5 à 1 mètre.

Fiche technique de l’aqueduc (Source : Musée romain de Nyon)
Dimensions internes – Largeur : 0,90m. Hauteur de 0,90 m à 1 mètre.
Dimensions externes – Largeur : 1,90m. Hauteur : 1,70m
Pente : 0,8% en moyenne. Maximale : 5,9% (Divonne, Les Grands Champs). Minimale : ponctuellement pratiquement nulle.
Dénivelé : 79 mètres sur la longueur du tracé.
Débit estimé : 41’190m3 par jour environ, calcul basé sur l’absence de dépôts calcaires sur les parois du canal.

Tracer le parcours d’un aqueduc demandait des calculs subtils. La pente devait être faible et régulière pour que l’eau s’écoule sous le seul effet de la gravité. Une pente trop forte aurait endommagé les parois. Les ingénieurs utilisaient deux instruments de visée : la groma et le chorobate.

La groma était une perche verticale, portant à son sommet une croix à quatre branches qui pouvait pivoter. Chaque branche se terminait par un fil à plomb. Le chorobate était une table en bois d’environ 6 mètres sur laquelle on avait creusé une rainure remplie d’eau. Sur les côtés pendaient des fils à plomb. Il permettait de d’évaluer l’inclinaison du sol.

Itinéraire de l’aqueduc Divonne-Nyon

Après avoir capté l’eau des sources Emma et Ausone, l’aqueduc passe sous le cimetière.
Un texte de 1896 mentionne des aqueducs : « 1886 – Devis relatif à la construction de coulisses pour l’assainissement de la nouvelle parcelle du cimetière des communes de Divonne et Vésenex. Les coulisses seront placées « au fond de la tranchée des aqueducs romains. (…) Il sera placé au-dessus des dits aqueducs une couche de pierres brutes de 1 mètre de hauteur. » Faut-il en déduire qu’un aqueduc partait de la source Emma et un autre de la source Ausone ?

L’aqueduc ensuite longe l’avenue de l’aqueduc qui s’appelait au 20e siècle avenue des Pontets. Les Divonnais avaient remarqué des petits ponts dans les champs. S’agissait-il de l’aqueduc passant comme un pont au-dessus de ruisseaux?  Pour ne pas infléchir son parcours, on aurait enfoncé les ruisseaux ?

En découvrant l’aqueduc, les chantiers ont permis de connaître précisément son parcours.
D’abord des villas ont été construites le long de l’avenue de l’aqueduc. Puis, après la rue du Jura, des groupes d’immeubles sont sortis de terre : La Charmeraie (2001), Les Grands Champs (2012) et Les Abergements. Arrivé aux Perséïdes, l’aqueduc bifurque à droite, puis longe la rue René Vidart. Son tracé n’était pas toujours rectiligne. Il devait éviter les pentes trop accentuées et contourner les obstacles.

Les archéologues ont trouvé à certains endroits des dalles en terre cuite au fond de l’aqueduc, par exemple aux Grands Champs, et plus loin à Nyon, aux Petites Prairies. Ils se demandent si le fond de l’aqueduc n’aurait pas été entièrement recouvert de dalles de terre cuite. Si oui, les dalles auraient été récupérées.

A Crassy, l’aqueduc passe en Suisse. Il traverse Crassier. Le reste de son parcours sera situé dans le Canton de Vaud. Crassier a construit une reconstitution de l’aqueduc, bien en vue, au milieu de son rond-point, en disposant sur le sol des morceaux de verre qui imitent le miroitement de l’eau courante.

L’aqueduc a été observé à Borex à l’occasion de l’aménagement d’un parking. Il passe à Eysins, puis à Signy-Avenex. C’est surtout sur les hauts de Nyon, au lieu-dit La Petite Prairie, qu’il a pu être étudié par les archéologues, sur une longueur de 250 mètres, pendant qu’on construisait un vaste nouveau quartier. Plusieurs fouilles archéologiques ont été menées de 2004 à 2016. La plus importante en 2013 a donné lieu à une exposition d’envergure in situ, animée de visites guidées.

Mais revenons à Divonne!

Que voit-on de l’aqueduc quand on se promène à Divonne?
Deux curiosités à ne pas manquer :
– un puits de visite, avenue de l’aqueduc, au pied du chemin qui mène à l’école Guy de Maupassant
– une reconstitution à l’identique d’un tronçon de l’aqueduc, au bord du lac de Divonne.

Sur tous les aqueducs romains souterrains, il était pratiqué des ouvertures pour que les ouvriers puissent pénétrer dans la canalisation et procéder à son entretien. Ces ouvertures appelées « puits de visite » ou « regards » étaient bordées d’une maçonnerie carrée. Elles jalonnaient l’aqueduc à distance régulière. Sur l’aqueduc Divonne-Nyon, elles sont espacées de 42 à 51 mètres, selon le Musée Romain de Nyon. De grandes dalles carrées pesant plusieurs centaines de kilos les fermaient.

Des Divonnais passionnés par le patrimoine historique se sont doutés que l’aqueduc romain passe sous le terrain communal qui sépare l’avenue de l’aqueduc de la rue Guy de Maupassant en amont. Ils ont creusé. Ils l’ont mis à jour!
La ville de Divonne a fait restaurer l’ouvrage en 2017. Elle a fait appel à l’entreprise de maçonnerie Pierre&Chaux (Ain) qui travaille la chaux vive selon les techniques utilisées par les Romains. Pierre&Chaux a reçu le Prix de la Transmission et de l’Apprentissage lors des 17èmes Trophées des Artisans du Patrimoine et de l’Environnement Auvergne-Rhône-Alpes 2019.

Et maintenant, descendons au bord du lac de Divonne!

L’aqueduc romain ne passe pas au bord du lac de Divonne!
Le lac de Divonne n’existait pas à l’époque gallo-romaine! Il date de 1964!
La municipalité a placé la reconstitution de l’aqueduc souterrain à un endroit très fréquenté, entre la route piétonne que borde le lac et le Jardin du Pont des îles, et au-dessus du sol, pour qu’il soit bien vu par les Divonnais et les touristes. Cette portion «aérienne» de l’aqueduc a été construite avec des pierres de l’authentique aqueduc, recueillies en 2001 sur un tronçon de 40 mètres et précieusement conservées. Le maçon Fabien Drapeau et son équipe ont reçu pour leur travail le trophée CAPEB Auvergne Rhône-Alpes (Confédération de l’Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment).

Pour en savoir plus, un petit voyage à Nyon s’impose!

Musée Romain de Nyon, 9 rue Maupertuis – 1260 Nyon – (Vaud – Suisse)
https://www.mrn.ch/ – Tél +41 / 22 316 42 80
Dans une petite rue, tout près du château de Nyon, le musée romain est un musée de site (ce qui est rare), situé dans les fondations de la basilique romaine. Petit mais toujours renouvelé par des expositions temporaires très vivantes, il contient beaucoup de maquettes et des petites mises en scènes explicites. Les enfants l’adorent. Il organise d’ailleurs régulièrement des animations romaines pour enfants. Il organise aussi des conférences, des visites guidées en extérieur à la découverte des nombreux vestiges antiques en ville (dimanches découverte).
Le billet d’entrée offre l’entrée gratuite dans les deux autres musées de Nyon : le château et le musée du Léman – Valable un an.

Ça coule de source, livre édité par le Musée Romain suite à son exposition sur l’eau à Nyon en 2017-2018, par les archéologues Corinne Sandoz et Christophe Henny. Toute l’eau à Nyon / Noviodunum : thermes, fontaines, tuyaux, égouts, moulins hydrauliques… et bien sûr l’aqueduc Divonne-Nyon, en détails et avec moultes explications. Editions Infolio.

Musée Romain de Nyon Colonia Iulia Equestris, un site, un musée.
Livre du Musée Romain de Nyon – Editions Infolio 2019 – abondamment illustré de photos et dessins.
Présente bien plus que les collections du musée. A lire pour connaître la vie quotidienne dans la colonie dont Divonne a fait partie pendant plusieurs siècles. Concernant la création et le déclin de la colonie, les auteurs présentent des conceptions nouvelles très convaincantes.

P.S. : Quand vous irez visiter le Musée Romain de Nyon, ne manquez pas de traverser l’Esplanade Jules César, c’est-à-dire la dalle qui recouvre le musée. Observez la grande fresque en trompe l’oeil qui donne les dimensions de la basilique antique. Vous irez d’un bord à l’autre de l’Esplanade, et pourtant vous serez toujours au milieu! Les blocs en béton ne sont pas là pour vous embêter. Ils signalent l’emplacement des colonnes de la basilique. Le musée est sous vos pieds. Et surtout n’oubliez pas de saluer Jules César! Il vous attend.
Annie Grenard