Il a été imposé dès le début de 1952 par le maire Marcel Anthonioz, qui à peine député depuis un an, a su faire jouer son entregent. Le Centre Nautique de Divonne-les-Bains a ouvert au public en juillet 1964, juste après la mise en eau du lac artificiel. Il a été conçu et dessiné par l’architecte Maurice Novarina. C’est la première réalisation de Novarina à Divonne. Il y en aura d’autres : clocher de l’église, école du centre, HLM.
Délibération du Conseil Municipal du 17 avril 1952
Projet de construction d’une piscine
Monsieur le maire expose au conseil que la commune de Divonne ne possède absolument aucun étang, aucune rivière qui puissent servir pour les baignades et les exercices de natation pendant la belle saison.
Or il est indéniable que ce sport exerce un attrait de plus en plus grand dans toute la population et surtout chez les adolescents. Cet attrait se justifie amplement. Ce sport qui se pratique individuellement est un excellent exercice physique. D’autre part la possibilité des bains devient de plus en plus l’un des attraits indispensables de notre station de repos et de vacances.
Pour toutes ces raisons, monsieur le maire indique qu’il serait souhaitable qu’une étude de construction d’une piscine soit faite immédiatement. En conséquence, il dépose sur la table du conseil (un document) établi par M. Novarina, architecte à Thonon.
Le conseil, après avoir ouï M. le Maire et fait une étude approfondie du projet ci-dessus
1) adopte le principe de la construction d’une piscine sur le terrain des sports, propriété communale.
2) accepte dans son ensemble le projet de M ; Novarina, architecte à Thonon.
3) et dit que le financement se fera par une subvention du Ministère des Sports et le complément par un emprunt dans un établissement accrédité.
Un chantier compliqué à réaliser du fait du terrain marécageux
Avant la construction des bassins, des vestiaires, du restaurant, de la cuisine et des locaux techniques, il fallut assécher le terrain. On construisit une canalisation pour absorber l’eau du marais et la déverser dans la Divonne-Versoix. Le terrain fut surélevé, ce dont on se rend compte quand on entre au restaurant le Nautique en venant de l’Esplanade du Lac.
Le style Novarina : mariage du verre et du métal, larges espaces, légéreté et lumière
L’architecte a étendu sa réalisation à plat sur un large espace : aucun bâtiment alentour ne le gênait. Bâtiments sur un seul niveau, longues lignes horizontales. Les vestiaires s’étirent autour d’un patio fleuri. Le restaurant leur fait écho en allongeant sa façade vitrée. Ces lignes horizontales, parallèles à la surface de l’eau, sont reposantes, ce qui convient à une station thermale qui se targuait d’être « la station de repos de l’homme moderne ».
Comment diable Novarina a-t-il pu construire un bâtiment tout en longueur sans mur autre que celui à l’arrière pour supporter le toit? Novarina a utilisé à l’intérieur les « béquilles » en forme de « Y » que son collaborateur l’ingénieur-ferronnier Jean Prouvé a placé sur toute la longueur, comme il l’avait déjà fait à Evian en 1957 dans la buvette Prouvé-Novarina, inscrite aux Monuments historiques depuis 2013.
Le dessin ci-dessous présente le restaurant Le Nautique, côté nord. On voit une des « béquilles » en lamellé collé de Jean Prouvé soutenant le toit.
Le toit étant incliné et incurvé, les « béquilles » sont asymétriques. C’est du grand art.
Le plongeoir est la signature récurrente de Maurice Novarina
L’avis d’un spécialiste
« La pureté du dessin et de l’organisation place ce bâtiment, quasiment inconnu, parmi les meilleures réalisations dans le domaine de l’architecture des loisirs. La légèreté des auvents flottant au-dessus des alignements de cabines délimitant un patio intérieur n’est pas sans rappeler les réalisations américaines contemporaines d’un Mies van der Rohe ou d’un Philip Johnson avec un peu moins de technique mais tout autant de poétique » (Maurice Novarina architecte – Franck Delorme – 2009)
Une superbe mosaïque orne le patio d’entrée
Maurice Novarina insérait toujours des oeuvres d’art dans les bâtiments qu’il créait. Pour le Centre Nautique de Divonne, il a fait appel au sculpteur et mosaïste Charles Gianferrari (1921-2010). Le résultat est une superbe mosaïque qui reproduit le mouvement de l’eau et ses reflets.
Quelques souvenirs
Nombre d’entrées :
1964 : 44 827 (entrée payantes?)
1970 : 64 734 (entrées payantes?)
1980 : 54 775 (entrées payantes)
Au début, on n’avait pas le droit de marcher ou de s’étendre sur les pelouses. Les dalles étaient brûlantes. C’était insupportable. Les protestations étaient si nombreuses que la direction a donné l’autorisation de profiter des pelouses. Interdiction de pique-niquer, bien sûr.
On passait des journées entières au Centre Nautique. Par exemple : natation le matin + déjeuner au restaurant Le Nautique + volley et/ou tennis l’après-midi, ping-pong, échecs, avec sandwichs et glaces + natation avant de partir. La mode était à la bronzette. De nombreux Divonnais achetaient l’abonnement annuel et fréquentaient la piscine tous les jours quel que soit le temps. Le Centre Nautique ouvrait du 1er mai au 30 septembre.
Dans les années 1980 un toboggan est venu ajouter ses lignes courbes au dessin de Novarina.
Le restaurant a été séparé des bassins. Il a eu son entrée à part.
21ème siècle. La municipalité transforme le restaurant Le Nautique en salle des fêtes. Ce bâtiment estival se muera en 2026 en bâtiment quatre-saisons. Les acteurs de la rénovation s’efforcent de garder l’esprit Prouvé-Novarina et de sauvegarder la poésie d’un bâtiment vitré qui s’ouvre sur l’espace et la lumière. Un défi difficile à relever.
Annie Grenard – Octobre 2025

















