Adieu! Ma foi ! I fait pas tant beau. C’est bien parti pour rester. Hier tantôt, je m’ai encoublée dans un baquet qui traînait dans la cour. J’ai cupessé dans une gouille et vlan les piautes en l’air ! J’ me suis maillé le pied. C’est y pas malheureux ! J’avais de la gouillasse tout partout. J’ai essayé d’y ravoir avec la lavette. Pas moyen. J’ai dû me r’linger.
C’est la faute aux gamins. Y avait roillé. I z’ont gadouillé dans la cour. Pi z’ont laissé traîner leur fourbi déhors. I réduisent jamais rien. Combien de fois j’y ai eu dit : Nom de nom ! Remise-voir la panosse sous l’évier avec la brosse à rizette! Chaque chose à sa place ! J’y ai eu dit des fois ! Réduis-voir le fleurier et tout ce butin sous le couvert. Remise-voir les boilles sous le bétandier ! Pi le sarcloret, le foussoir, la triandine, va y mettre au cabiolon du jardin derriére. Quand je vois tout ce ch’ni qui traîne, ça m’fait colère. Alors, je fais la grosse voix ! « Tu vas remiser ce cheni, oui ou rave ? Et sans renauder, si t’plait. » Alors, la gamine fait la pote. Si tu voyais sa bouille. « Je vais y faire ! J’y fais d’abôrd ! » Ces charognes de gamins. I me rendent chèvre. J’arrive pas à en faire façon.
Quand j’étais gamine, y’aurait pas fallu que je laisse traîner mes affaires déhors. Vinzou ! Le pére aurait fait joli ! I m’aurait flanqué une astiquée… Pardi ! Ben, le Mimile, quand i marchait pas droit, son père lui flanquait une avoinée, pas piquée des hannetons. Debleu!
La gamine jette toutes les pluchures su l’ruclon. J’y ai eu dit des fois : faut rien laisser perdre ! Les coquilles d’œufs, tu les pilonnes, pi t’y donnes aux poules, les pluchures de patates, t’y donnes au caïon. Pardi !
Moi, J’me couche quand les poules. Le Fanfoué, i s’couche à point d’heure. Toujours à faire la riôle ! Il est ben comme son père ! La buchille est pas tombée loin du tronc ! Quel foléru ! Maintenant qu’il a un boguet, il est toujours à la bade. Toujours à la rôde, à courater par Arbère ou par V’sancy. J’sais pas où i trouve les sous pour la benzine. I descend de Villard à toute berzingue dans les contours. Un de ces jours i veut bien prendre une aplanée. I veut bien caboller son boguet ! Mais quand il emmène la Nénette sur son porte-bagages, alors là i s’veille. J’vous ai pas dit ! I fréquente la Nénette. I veut la marier. J’espère qu’elle va pas faire comme la Fouèze au Gustave. Vous savez pas ? La Fouéze au Gustave, elle attend de la famille pour février ! Ben non i sont pas mariés. I z’ont fait Pâques avant les Rameaux ! Ma foi !
Le Mimile, il a bugné l’auto à la Simone. De bleu ! Elle a fait joli ! Il avait mé bu plusieurs chopines au Patron d’Arbère. Le lendemain il est allé s’escuser, tout caqueux. Il a dit : j’m’ai pas veillé ! Tu parles ! il était dans les moineaux!
C’t’été, j’ai eu les Parisiens. Lui, ce gnolu, il est toujours après baguenauder dans la cour en cuissettes. Il a voulu m’aider au jardin. I m’a tout sagatté les haricots.
Pi elle, la greluche, C’te mijaurée ! Elle va au jardin en souiers à talons, toujours à barjaquer, à pitatter par là à travers. Elle a pas bonnes façons. Elle se met du sent-bon. Pchitt ! pchitt ! Du rouge aux ongles. Elle a des ongles longs comme ça ! Pi elle vient mouinner qu’elle s’est ébécqué une ongle. Elle est toujours pendue après moi. Pff !
Ses sous, elle s’y met tout su l’dos. Ses habit du dimanche, moi j’en donne pas cent sous. C’est juste bon à faire des pattes. Moi, j’y donnerais tout au pattier ! Pardi !
Elle est allée s’aguiller dans le cerisier pour déguiller des cerises. Elle se ganguillait dans les branches. Voilà-t-y pas qu’elle se met à piauler, à bouërler ! Elle cheniulait. C’te gnauque ! Elle arrivait pus à r’descendre. Le pépé est allé la chercher avec l’échelle. Quelle idée aussi d’aller s’enquiller comme ça dans les branches avec des souiers à talons. Elle est franc-folle !
La Toinette pour la faire marcher lui a dit :
– Faut ramasser vos framboises, si non les Piquemeurons vont v’nir vous y prendre.
– C’est quelle sorte d’oiseaux les Piquemeurons ? elle a demandé la Parisienne.
– C’est des drôles d’oiseaux comme y’en a point chez vous à Paris ! elle a répondu la Toinette. Hi! Hi!
L’aut jour, j’étais après plucher la soupe, tout par un coup, debleu ! La Parisienne débaroule toute époulaillée. Vinzou ! J’ai cru à un accident ! J’étais aux cents coups. Elle cheniulait que le Dédé lui avait flanqué les chocottes. Pensez-vous ! Le Dédé qu’est ben brave. Un vieux garçon, un peu badadia, tout ébouélé, mais ben brave. Quand y se trouve nez à nez avec la Parisienne, il est tout capotisé. Chez lui, i fait sombre, i fait cru, ça sent pas tant bon, y a de la peuff tout partout, sa vaisselle est toute ébriquée. Il a personne pour passer la patte à relaver su les catelles. Personne pour rapondre son pantet de chemise ou pour ravauder ses chaussettes. Pardi ! La Parisienne était pas rassurée. Mais comme elle était rebouillée… brassée, ensuquée… elle lui a demandé un remède vu, qu’il est rhabilleur. Alors il a sorti sa bouteille-miracle, celle qu’est su le tablard, d’ssus l’évier. Dédans y a une vipère dans de la pisse. Vinzou ! Quand la Parisienne a vu la vipère qui lui tirait la langue, elle a ressauté. Elle a décanillé. C’est comme ça qu’elle a débaroulé chez moi toute époulaillée. Je lui ai donné de l’eau de mélisse. Ça l’a ravigottée. Mais elle veut pu aller chez l’ Dédé.
L’aut jour, à l’épicerie, la Ginette dit à la Parisienne : « Je vous mets le rampon dans un cornet, avec le formage, je plie les poreaux et je vous y marque dans le carnet. » La Parisienne comprenait pas ce que ça veut dire. Rampon, cornet, carnet, plier les poreaux… Les Parisiens i parlent pas commifaut. I savent compter que jusqu’à soixante. Quand i faut dire septante, huitante, nonante, i comptent pus. Comment voulez-vous qu’i fassent des économies dans ces conditions…
J’ai une petite soif. Faut que j’me mouille la meule. Je barjaque, je raconte des beufferies. Faut ben que j’me rince le corniolon, pardi !
La mémé, elle dit « formage » pour « fromage ». L’aut jour, le Parisien allait au lait à la fruitière. « Ben ! Tant qu’vous allez à la fruitière, prenez-moi du formage! Vous f’rez marquer su l’carnet ! qu’elle dit.
– Quel fromage ? qu’i demande, c’t’arsouille.
– Comment ça – quel formage ?
– Je vous demande quelle sorte de fromage vous voulez.
– Je vous ai dit de la tomme ? Non ! Je vous ai dit du séré ? Non ! Je vous ai dit du bleu ? Non ! Alors si je demande ni du bleu, ni du séré, ni de la tomme, c’est que je demande du formage ! Pardi !
La mémé a dit aux Parisiens : « V’nez dîner chez moi. J’ai fait une longeole avec des carottes rouges, pi une purée bien pitonnée. Autour de midi, personne. Contre midi et demi, personne. Une heure, toujours personne. La mémé a dîné toute seule. I sont viendus pou l’souper ! Y croyaient que « dîner » ça veut dire manger le soir. C’est bien des bobets, ces Parisiens…
Les Bargonions on les comprend, les Pique-meurons aussi. Les Savoyards, les Vaudois i causent un peu comme nous. Mais les Parigots… Bon ! J’arrête de bazoter. Faut voir à prendre du souci. J’m’en retourne par la Micheline. Je suis tranquille : mon souper est près… La soupe d’hier à tremper, le botato, pi un bocon de formage avec un bocon de pan. A la revoyure ! Arvi, pas !