Rédaction d’un élève de Monsieur Pinard (1930)

Vous êtes allé un jour travailler avec votre père. Racontez votre journée.

ç’avait été aux lots. Le soir avant mon père m’avait dit : « Demain on mode de bonne heure. » ça pourquoi le soir je m’a couché mieux tôt. Quand je m’a levé, le matin du jour ousqu’on allait à la montagne c’était encore tout nuit, mon père roccatait déjà dans la cour pour atteler le Bijou. Pendant ce temps je rebouillais dans le tablard du cabiolon pour trouver la musette. Pi après j’ai mis le bouffer dedans. Y avait du botato, du lard, du bleu de Gex et un quignon de pain.

Pi on a modé. Y faisait pas si tant chaud. Je m’avais tout emmitouflé et engoncé mes mitaines. Pour aller on s’a d’abord catolé par la Vie Doré. C’était juste jour quand on a brêté au stand de tir. Quand on est arrivé je m’a aguillé au fin guillon d’un faillard pour voir le panorama de Divonne et çui-ci d’Arbère aussi. Qu’est c’était chouette. Pi on a dételé le char. On a barotté avec le cheval à travers les sentiers. Un coup au sommet d’un raidillon comme y avait pleuvu le jour avant j’ai rippé dans le diot, mais heureusement je m’a pas bien ébouellé. Arrivé à notre lot on s’est mis d’abord à travailler. La brotte était toute boriaudée et y a tout fallu que j’la retourne sens devant dimanche. Pendant ce temps mon père déguillait des arbres avec son pettoret.

Pi on entêchons les arbres, les un sur les autres tous tournés du même sens. Une fois enkmalés, le Bijou les tirait en bas ousqu’y avait notre char. Il en a tiré trois ou quatre comme ça. Quand on a eu preu fait mon père a foutu le feu à une faille de prin bois et on a bouffé notre manger. Je m’a engouillé de bourru qu’on avait pressé les jours avant au mécanique d’Arbère. Contre les trois heures du tantôt on a descendu pour charger le char.

Moi j’avais jamais dégringolé la moraine ; ben un ou deux coups je m’a encoublé dans un teumont et j’ai fait des cupesses, je m’a jamais esquinté. On a chargé le char en mettant d’abord les grosses branches, pi les crouilles su le derrière. Juste comme on avait fini, y s’est amené çui-ci là de la scie de Divonne avec son camion à benzine qui a cotté le derrière de notre char. Comme on avait pas encore chouatonné ça l’a déroché et tout le bois était éborbinté en bas le talus : les cuvets avec les biscornus, la brotte avec les berclures ça avait tout (….) qu’ils appellent les faux-fourchus, y a fallu qu’on en raguille des autres (…) char serait allé s’embomber dans çui-ci à Bergoin qu’était devant, ça est revenu chez nous, on a déchargé le char. Pi j’ai maillé des rioutes pour faire des fagots à bois ; ceux qu’on met dans le borincle qui ferme avec un péclet, à côté de la remise.

Comme je m’avais tout dégueulassé dans le patrigot de la montagne ma mère m’a enguenlé parce que j’avais pas mis mon feudat.

Ce jour-là, c’est mon frère qui a gouverné et soigné le pouet au boiton.

J’aime bien aller au lot, mais y est affané.

(Ecole communale de Divonne – Classe de Monsieur Pinard – 3ème division – 1930)

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