Le docteur François Roland (1858-1939) a aimé Divonne

Le Docteur François Roland en 1915François, Joseph, Marie Roland est né au hameau d’Arbère en 1858 dans une famille établie depuis longtemps à Divonne. Ses parents étaient cultivateurs. Son père a été maire de la ville de 1836 à 1843 et de 1851 à 1879. Le Dr François Roland, médecin thermal pendant 33 ans, maire pendant 20 ans, compte parmi les personnalités marquantes de la station. Il a laissé son nom à une des plus belles villas de Divonne.

Le médecin thermal
Le docteur François Roland est engagé par le Conseil d’Administration de la Société anonyme des Bains à l’automne 1892 pour remplacer le docteur Edouard Vidart qui demande un congé d’un an pour raison de santé.
1892 : «En vue de visites à des docteurs, en France ou à l’étranger, le Conseil alloue aux docteurs Bottey et Roland à chacun une subvention de frais de 500 frs, applicable à des voyages d’hiver.» Les docteurs Roland et Bottey ont en effet pour mission de faire la promotion de l’établissement hydrothérapique pendant la saison d’hiver qui dure du 15 octobre au 15 juin. Ils vont à la rencontre des médecins pour les inciter à orienter leurs patients sur Divonne. La Société des Bains envoye chaque année à tous les médecins de France un « prospectus médical illustré » présentant les thermes. A tous les médecins? En tous cas, le prospectus a été tiré à 6.000 exemplaires en 1888.

Cette publicité a été imprimée en 1900 ou dans les années suivantes, puisque y sont déjà mentionnés le train direct de Paris et le docteur Ballet, engagé en 1899.

Cette publicité a été imprimée en 1900 ou dans les années suivantes,
puisque y sont déjà mentionnés le train direct de Paris et le docteur Ballet, engagé en 1899.

Le Dr Roland semble répondre aux attentes des Administrateurs puisque son contrat est reconduit plusieurs fois.
1906 : Le docteur Roland engage à titre personnel un médecin pour le seconder pendant deux ans (le docteur Lebret). Cela souligne la nécessité pour la Société d’employer un quatrième médecin.
1908 : Le docteur Ballivet se joint aux docteurs Bottey, Roland et Ballet.
1910 : Les quatre médecins demandent dans une lettre collective la suppression de la douche du dimanche. (Ils donnent eux-mêmes les douches).
1911 : Le docteur François Roland, à 53 ans, remet sa démission au C.A. qui tente en vain de le retenir. Il est remplacé par le docteur Numa Vieux et assume dorénavant le statut de « médecin consultant », comme le docteur Edouard Vidart. Il reçoit ses patients dans sa propriété, la villa Roland, jusqu’en 1925 où son neveu le docteur Jean Roland lui succédera.
1913 : Le nouveau « prospectus médical illustré » annonce quatre médecins aux thermes (Bottey, Ballet, Ballivet et Vieux) et deux « médecins consultants » : Vidart et Roland.

Illustration dans le Guide officiel de la Société de Développement. 1908

Illustration dans le Guide officiel de la Société de Développement. 1908

Les titres du docteur François Roland
Médecin de l’établissement hydrothérapique de Divonne – Ancien aide de clinique médicale à l’Hôtel-Dieu de Lyon – Lauréat de la Faculté de Médecine de Lyon – Médaille d’argent de l’Académie de Médecine – Membre de la Société d’Hydrologie de Paris – Membre correspondant de la Société de Médecine et de Chirurgie pratiques de Paris.

Les conseils du docteur François Roland
Les cures de Divonne par le docteur François Roland
On peut lire sur Gallica le livre du Docteur François Roland Les cures de Divonne, manuel d’hygiène pratique à l’usage du baigneur, Paris G. Steinheil éditeur, 1897. Nous proposons ici des extraits de la 4e édition (1908).
« Un air pur toujours renouvelé constitue une des conditions indispensables de la santé. » – « La lumière agit sur l’homme comme sur les plantes qui dans l’obscurité ne sont pas seulement privées de couleur, mais de consistance. » – « Le séjour au grand air est reposant, il favorise le sommeil. » – « La cure d’air joue un rôle important dans la guérison des malades qui viennent à Divonne et l’établissement s’est aménagé dans ses agrandissements successifs un immense bâtiment où chaque chambre est agrémentée d’un bow-window ou d’un balcon couvert, la cure d’air peut s’y faire même pendant les jours de pluie.»

Le Chicago, ouvert en 1908, chaque chambre dotée d'un balcon pour la cure d'air.

Le Chicago, ouvert en 1908, chaque chambre dotée d’un balcon pour la cure d’air.

La cure de terrain : « Le malade doit marcher chaque jour pendant un certain temps sur des routes dont la pente est de plus en plus forte ; puis à mesure que ses forces le lui permettent, il augmente la durée de la marche en même temps que sa rapidité. Ni le mauvais temps ni les petits malaises ne doivent être prétexte pour se soustraire à la cure de terrain. » – « Le mouvement ne doit jamais se produire au détriment de la pensée. (…) La fatigue physique exagérée conduit à un état de stupidité, d’apathie et d’absence de volonté dans lequel finissent la plupart des victimes de l’entraînement, du sport, vraies brutes dans des corps d’athlètes. »
En matière de régime alimentaire, le docteur François Roland a publié des pages et des pages… incompréhensibles pour le lecteur d’aujourd’hui. On ne connaissait pas encore, à son époque, les vitamines. On ne parlait ni de calories, ni les fibres. Mais on évaluait le carbone et l’azote. Les menus étaient copieux, la viande quotidienne (1 à 2 escalope et une aile de poulet par jour! ). « Le vin doit être pris aux repas. En petite quantité, suffisante pour stimuler la muqueuse gastrique, il réveille l’appétit, favorise la digestion et son emploi ne présente aucun inconvénient. (…) A quatre heures de l’après-midi, il est facile de prendre du pain et du lait. (…) L’huile de foie de morue prise le matin à jeun peut rendre de grands services ».  Ah! Voici un conseil judicieux : il est préférable de manger en table d’hôte que seul car la bonne humeur favorise la digestion, voire  la guérison!
La danse est-elle recommandée? « Le plus souvent, on danse trop tôt après le repas ou trop avant dans la nuit et toujours dans un lieu trop étroit où le miasme humain se combine avec la poussière pour en contrebalancer les bons effets. De plus la danse est bien souvent suivie de souper et agrémentée d’excitations malsaines. »
Et les jeux de hasard? « Fort heureusement, le progrès de la civilisation balnéaire ne nous a point encore donné de casino et le culte de la roulette est encore inconnu ici, écrit le Dr Roland en 1908. L’endroit est resté vierge et exempt de toute souillure malsaine. »

Maire de Divonne de 1919 à 1939
Lorsque le docteur Roland succède comme maire à Paul Chabert, la Grande Guerre est finie, l’économie redémarre. Le casino installé dans la villa Beaujeu rouvre ses portes ;  la FADAP (Fabrique Artistique d’Animaux en Peluche) déménage de Crassy à Divonne et se développe ; la Société des Bains achète des terrains, crée le golf et construit l’hôtel du golf. 1919 : création d’un Syndicat d’Initiative. 1923 : Divonne-les-Bains est classée Station Thermale et Climatique. Mais le changement le plus spectaculaire, c’est la multiplication des automobiles. Les messieurs chics de la Société des Nations viennent déjeuner à Divonne en automobile. Les garages surgissent du sol. En 1930, Divonne compte huit loueurs d’automobiles! Ces diables de bolides soulèvent des nuées de poussière et effrayent les passants. La municipalité prend des mesures : elle goudronne deux portions de rue (nouveauté sensationnelle!), construit des trottoirs et remplace les panneaux « Au pas! »  par « Ralentir! ». Les curistes et touristes payent une taxe de séjour qui aide la ville à se moderniser. Adduction d’eau potable dans presque toutes les maisons, enlèvement des ordures ménagères (avec un tombereau!), installation d’un réseau d’égouts (très gros chantier), raccordement de la rue de la gare à la rue d’Arbère et création d’un jardin public. N’oublions pas l’implantation de toilettes publiques.
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Ce n’est pas tout! La municipalité du  docteur François Roland construit une nouvelle poste et une salle des fêtes. Le déplacement du bureau des « Postes, télégraphes et téléphones » du milieu de la Grand Rue vers la rue de Gex ne fait pas l’unanimité. L’emplacement choisi semble trop excentré. Une pétition circule. Finalement le vote en conseil municipal tranche : 15 votants, 10 voix pour, 5 voix contre. La nouvelle poste est édifiée en 1926, face à l’entrée des thermes. Le chemin de Vigny, élargi, devient rue de Vigny.

Le 4ème bureau de poste, rue de Vigny

Le 4ème bureau de poste, rue de Vigny

Et puis la salle des fêtes, décidée en 1928, est construite, probablement en 1930.

 

La salle des Fêtes de Divonne

La salle des Fêtes de Divonne                                                                                           

La municipalité du docteur François Roland a oeuvré pendant 20 ans pour que Divonne-les-Bains devienne une ville moderne, accueillante et bien équipée.

Un étrange mystère

Le docteur François Roland par Jean Debaud

Le docteur François Roland
par Jean Debaud

La crise de 1929 touche le casino : il ferme en 1934. Pourtant Divonne continue de se développer. La Conférence Internationale du Désarmement à Genève contribue certainement à sa prospérité : elle amène du beau monde pendant deux ans dans les hôtels et restaurants. Divonne est une station moderne, équipée d’hôtels luxueux (Hôtel du Golf et Hôtel des Alpes), dotée, depuis 1931, d’un golf considéré comme l’un des plus beaux d’Europe, bref! tout roule et boum! Le maire démissionne… Une élection complémentaire est brusquement organisée le 6 septembre 1931. Le docteur Roland est réélu conseiller, puis maire une semaine après sa démission… Que s’est-il passé?  Des critiques? Des plaintes? Trop de chantiers, trop de dépenses, trop de nouveautés? Les Divonnais se plaignent tout le temps. Il y aurait des malfaçons, disent-ils, à la salle des fêtes. Fallait-il déplacer le bureau de poste? André Françon écrit dans l’Echo de Divonne du 20 septembre 1931 : « Les circonstances mystérieuses qui ont entouré la démission du docteur François Roland, l’intransigeance qu’il a opposée, de suite après à toutes les sollicitations (préfet, sous-préfet, député, groupe de conseillers qui le pressaient de reprendre l’écharpe), puis sa brusque candidature à huit jours du scrutin – tout cela parut si bien entouré d’étrange mystère que les moins finauds des Divonnais moyens n’ont pu s’empêcher de se poser cette question : Qu’est-ce que cela veut dire? »
Racontemoidivonne n’a pas la réponse à cette question…                                     

Un imposant vieillard à barbiche blanche
Jean Debaud dans son livre Le Lac, Divonne de 1900 à nos jours a croqué un portrait pittoresque du docteur Roland en pêcheur, myope, dirait-on. «…un imposant vieillard à barbiche blanche que nous jugions inaccessible, surtout quand il s’en allait pêcher la truite à la rivière, de son pas alourdi par les années et rendu plus pesant encore par de grosses bottes de cuir.»

La villa Roland
Entre 1900 et 1901, le docteur François Roland fait construire une villa qui lui servira d’habitation et de cabinet. C’est la villa qui porte son nom, actuellement avenue des Thermes.
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Le beau-frère du Dr François Roland (mari de la soeur de sa première épouse) Emile Charbonnier, ingénieur cantonal de Genève pose ici en compagnie de ses enfants et de son épouse devant la villa Roland.

Le beau-frère du Dr François Roland (mari de la soeur de sa première épouse)
Emile Charbonnier, ingénieur cantonal de Genève pose ici en compagnie de ses enfants et de son épouse devant la villa Roland.

Le docteur Jean Roland

Le docteur Jean Roland

Le docteur François Roland est décédé en 1939, sans descendance directe, malgré une première union avec Cécile Janin, décédée en 1913 et un second mariage contracté en 1915 avec Marie Gerlier.

Quand il a pris sa retraite en 1925, son neveu, le docteur Jean Roland, a pris la succession de son cabinet. Le docteur Jean Roland (1896-1967), né à Arbère a été médecin thermal de 1931 à 1963 et maire de Divonne de 1944 à 1945.

 

 

La villa Roland appartient maintenant à la Ville de Divonne. Après avoir abrité le Club thermal elle accueille le Club de Bridge de Divonne. Une de ses pièces est consacrée à Marcel Anthonioz.

Les Divonnais sont très attachés à cette villa. C’est un des rares témoignages de la Belle Epoque à Divonne. Avec ses plafonds en stucs, ses planchers tous différents d’une pièce à l’autre, ses cheminées de marbre surmontées de grands miroirs et surtout ses superbes vitraux datant de 1903, signés Jacques Galland, elle mériterait d’être inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques.
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La villa Roland, avenue des Thermes à Divonne-les-Bains en avril 2015

La villa Roland, avenue des Thermes à Divonne-les-Bains en avril 2015

Sources : Association ARPADI (Arts et Patrimoine divonnais, section Patrimoine) – Archives de Joseph Girod, directeur du golf de Divonne dès son origine –  « Divonne-les-Bains, Station thermale et touristique » et « Divonne au Fil des Siècles » de Raymond Grosgurin – Association Divonne-les-Bains Hier et Demain – Les photos marquées « collection privée » ne doivent pas être copiées.
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