André Martin, trésorier de l’association Divonne-les-Bains Hier et Demain
évoque son enfance au hameau de Villard.
De l’aube au crépuscule, la journée est longue et harassante à la campagne à cette époque.
En toute saison, il ne s’agit pas de s’abader, ni de barjaquer avec quiconque, ou le travail quasiment toujours manuel, n’attend pas pour les tiocans.
La matinée débute par les soins donnés aux animaux : de son boiton, le pouet réclame sa pitance, les vaches et les mojons attendent le foin tombé du bétandier, la mate de foin s’épuise rapidement, il ne faut pas craindre le peufet dégagé et surtout risquer de se casser une piôte en descendant l’échelle.
Rien ne sert d’être bourriau avec les bêtes, ni de faire une cupesse dans la précipitation. Ce n’est pas tâche aisée si on est croïet, on peut aisément s’encoubler ou se tordre la corgnole en glissant dans une gouille, surtout si les grelons sont déjà bien usagés. Après la traite, il faut porter le lait à la fruitière avec la boille posée sur le barrot, sans brelancher, la fabrication des mottes de beurre et du fromage va débuter dès la coulée terminée.
A cette époque, vivant de conditions modestes, on était fréquemment mal gaupé, on ne consacrait pas beaucoup de temps à se cocoler devant le miroir.
Pour prendre des forces, le déjeuner s’impose, un bocon de pain avec du lard ou du fromage est le bienvenu, une soupe ou du café au lait pour les bouébes, poussant parfois des siclées.
Lorsque les hommes partent aux travaux extérieurs, la fermière s’affaire dans sa cuisine aux carrons de brique rouge, elle passe la panosse ou la brosse à rizette, la lessive sur le fourneau dégage une odeur de lissu. Elle prépare aussi le dîner pour midi : un bon bouilli accompagné de légumes du jardin ou une longeole avec un plat de pommes de terre. La soupe est prête pour le soir, il faudra la pitoner avant de la servir avec un grand pochon. La miche de pain s’accompagnera de quelques greubons, parfois du séré ou du comté. Le saindoux est conservé dans une toupine à la cave. Les desserts sont plutôt rares mais consistants : croûte dorée, matefaim ou papette les jours de fête.
L’après-midi, après un petit clopet, les hommes reprennent sous le couvert les indispensables outils nécessaires selon la besogne du moment : un fleurier pour les foin, un foussoir pour les pommes de terre, un rablet pour les betteraves, un sarcolet pour les légumes du plantage, les patenailles et les fajoules qui apprécient le buttage.
La période des foins nécessite beaucoup de manutention, il faut faire des andins ou des cuchets si une carre ou une bonne roillée menace en soirée. Les mouchillons et les tavans s’excitent autour des visages en sueur.
Dès que la journée s’achève, après avoir réduit les outils au cabiolon sans renauder, il faut rapercher le troupeau en pitatant dans les tattes comme un molardier pour la traite du soir.
A l’automne, la récolte des fruits s’impose en greulant les branches des arbres. Au risque de s’ébriquer en déguillant les pommes, il vaut mieux ne pas se ganguiller comme un gnolu en risquant de s’éclafer brutalement au sol.
La nuit venue, il est temps d’aller dormir plutôt que de raconter des beufferies comme un bobet tout rebouillé. Demain sera un autre jour!
André Martin