Abbas Hilmi II (1874-1944) a été Khédive d’Egypte, c’est-à-dire vice-roi d’Egypte, à partir de 1892 quand il a succédé à son père, et jusqu’en 1914 quand il a été destitué par les Anglais. Il a régné sur l’Egypte et le Soudan, mais son règne était formel, l’Egypte étant occupée et administrée par les Britanniques.
« Mon règne a commencé trop tôt. Je n’avais que 17 ans. Il s’est achevé également trop tôt. Il n’a duré que 22 ans. » Abbas Hilmi II, fils de Tewfik Pacha et petit-fils d’Ismaïl Pacha, a été le 3ème et dernier Khédive d’Egypte.
Abbas Hilmi II est venu en cure à Divonne chaque année de 1898 à 1914. A partir de sa destitution, il a vécu en exil, essentiellement en Suisse. Pendant la guerre de 14-18, il a certainement été interdit à Divonne, car il avait pris le parti des Allemands pour se venger des Anglais qui l’avaient chassé d’Egypte… Nous savons par le Journal de Genève qu’il est revenu à Divonne en 1933. Est-il revenu d’autres fois? Il séjournait souvent à Genève où il s’est finalement installé et où il est mort en 1944.
Son Altesse Le Khédive est venu en cure à Divonne tout d’abord pour soigner une angine récurrente, puis pour se reposer. Il descendait à Genève à l’hôtel d’Angleterre, quai du Mont-Blanc, chaque année au même hôtel, semble-t-il, avant de rejoindre Divonne, au début en voiture à deux chevaux, par la suite en voiture automobile. Le Figaro du 5 août 1901 nous apprend par un long article, signé Albert de Ricaudy et intitulé Les vacances du Khédive que « le petit-fils d’Ismaïl-pacha avait le plus grand besoin de se reposer du gouvernement et du climat de son pays. Pour raison d’hygiène et de santé, aussi bien que par raison sociale, il doit s’arracher à son milieu, à ses occupations, et jusqu’à sa famille. » En 1900, il a logé dans une campagne à Céligny, d’où il se rendait chaque jour à Divonne pour faire sa cure. Il parlait couramment français, étant polyglotte. Les premières langues qu’il a parlées étaient le turc et l’anglais. Il était d’ascendance turque.
La villa de Son Altesse Le Khédive
Il résidait dans une charmante « petite » villa avec un toit à la française, entourée d’un vaste jardin ombragé et isolée de l’extérieur par une haie d’ifs pour bien respecter le désir de repos de Son Altesse. La villa avait appartenu au docteur Fernand Bottey, un éminent médecin thermal dont la veuve a vendu la villa à la Société des Bains qui la louait au Khédive.
Quand, en 1908, le Nouvel Hôtel (hôtel Chicago) fut construit, le Khédive préféra loger à l’hôtel pour profiter de toutes les commodités modernes. La villa servit alors à loger sa suite, car le Khédive venait à Divonne avec une suite. La villa se trouvait juste devant l’hôtel, côté Jura – l’hôtel est devenu la résidence du Parc, avenue des thermes.
La résidence de S.A. le Khédive a été démolie en 1936.
Le Figaro du 5 août 1901 cite la suite du Khédive :
« Les personnes de sa suite, qui se joignent alors à lui et l’accompagnent dans ses promenades sont M. le général Thurneyssin-pacha, son écuyer ou aide de camp,
M. le lieutenant-colonel Yawer-bey, officier ou maître des cérémonies, M. le major Khéjjf-effendi; M. le docteur Hassan-Moharrem-effendi (Ces quatre personnages habitent avec lui dans sa villa). Et enfin M. de Martino-pacha, actuellement directeur de la Daïra-Khassa (c’est-à-dire des biens, de la fortune du Khédive), et qui habite à l’hôtel avec sa femme et sa fille. M. de Martino-pacha travaille tout l’après-midi en plein air, à l’ombre d’un marronnier presque séculaire, au milieu du mouvement continuel des clients et du personnel de l’établissement, entouré de sa famille et de ses amis, qui devisent gaiement et à dessein de choses frivoles (la frivolité est ici prescription médicale), à expédier le courrier du Khédive. On conçoit que cette charge lui incombe presque exclusivement. La plupart des demandes dont Son Altesse est l’objet sont, en effet des demandes d’argent. »
L’emploi du temps précis du Khédive.
Résumé du Figaro du 5 août 1901 :
« Abbas Hilmi, vice-roi d’Egypte et toutes les personnes de sa suite obéissent aux ordres parfois draconiens de S. M. le docteur Roland. Leur régime dont ils retirent, paraît-il, des effets merveilleux, est basé sur la combinaison de la cure d’air, de la cure d’eau, de l’exercice progressif en montagne, le tout joint au massage, au repos moral le plus complet, à la cessation aussi absolue que possible de la vie de relation. Son Altesse prend ses repas en compagnie des personnages de sa suite et sous la surveillance de M. Duborgel, directeur de l’établissement, qui veille à la parfaite exécution du menu. »
« 6h : lever – 7h : café au lait – De 7h à 8h : promenade à pied – 9h1/4 : douche froide, précédée d’un léger exercice pour favoriser la préaction et suivie d’un massage pour précipiter la réaction – De 10h à 11h : promenade à pied – A midi précises : déjeuner suivi d’un repos – De 3h à 4h : exercice pour la préaction – 4h1/4 : douche froide, suivie de la réaction par massage – exercice ou exposition passive aux rayons du soleil – A 7h précises : dîner – De 8h à 10h : léger exercice, distraction non excitante – A 10h : coucher. »
Remise de médailles
Le Khédive recevait des visites de personnalités locales comme le Préfet et le Sous-Préfet. Il décorait certaines personnalités d’une médaille de l’Ordre Impérial d’Osmanié, un ordre honorifique de l’Empire Ottoman qui était attribué aussi bien aux turcs qu’aux étrangers.
Pourquoi le Khédive aimait Genève et ses environs
Le Khédive Tewfik Pacha avait tenu à ce que ses fils reçoivent une éducation européenne moderne. « L’Egypte n’est plus en Afrique. Elle fait partie de l’Europe, » disait-il. En 1880, Abbas avait 7 ans et son frère 5, quand leur père les a envoyés étudier dans un pensionnat qu’il avait lui-même fondé « au moyen de sa cassette particulière et où cent jeunes fils de pachas et de beys, la plupart orphelins étaient instruits, nourris et habillés » (Journal de Genève, 16 juillet 1900). Abbas a ainsi été pensionnaire pendant 3 ans au château de Lancy (actuelle mairie de Lancy). Ensuite Abbas a voyagé à travers l’Europe dès ses 10 ans afin de découvrir l’industrie et l’agriculture modernes. Il est resté attaché à ses professeurs suisses, Monsieur Montant de Nyon et Louis Rouiller à qui, une fois Khédive, il a confié dans son palais les fonctions de secrétaire général. Il était en admiration devant la démocratie suisse et l’organisation de l’armée qu’il aurait voulu appliquer en Egypte.
Quels cadeaux le Khédive rapportait-il de Suisse?
Des vaches! Exemples : En septembre 1901, il a acheté à Gland comme cadeau pour son suzerain un taureau d’un poids de 1.200 kg et 3 vaches, vaudoise, bernoise et schwytzoise. Le 9 novembre 1910, Ami Corte de Gland a expédié en Egypte deux taureaux noir et blanc. Le Khédive a constitué un cheptel fait de troupeaux choisis de race Gruyère et Simmenthal qu’il envoyait en Egypte avec leur berger.
L’ex-Khédive à Divonne – Journal de Genève – 1er mai 1933
« L’ex-Khédive Abbas Hilmi II est en ce moment en séjour à Divonne. Cordial à son habitude, il ne cache pas tout le plaisir qu’il a de pouvoir passer quelques semaines dans ce pays où tant de souvenirs se rappellent à lui. Mais s’il s’étend longuement sur le passé divonnais ou genevois, sur les transformations accomplies, il évite avec soin de parler politique; tout au plus consent-il à reconnaître les difficultés de l’heure présente et à les déplorer. Ses meilleures heures sont celles qu’il passe en compagnie de ceux qu’il a connus il y a vingt ans et avec lesquels il bavarde longuement, ou bien encore dans ses randonnées en automobile à travers la Suisse. » A.F.