L’accueil des réfugiés à Divonne pendant la Grande Guerre

De nombreuses communes françaises, villages aussi bien que villes, ont accueilli des réfugiés et des déplacés pendant la guerre de 14-18 et jusqu’en 1920. Certaines communes, par exemple Bourg-en-Bresse ont accueilli par centaines des familles fuyant Belfort dès le 5 août 1914. Elles arrivaient à Bourg en train. Elles étaient réparties dans des familles. Plus tard, la France a accueilli les Belges et les habitants des départements du nord fuyant leur ville dévastée.

A Divonne, il semblerait que l’accueil des réfugiés ait eu lieu à partir d’avril 1918. A moins que les archives les concernant en mairie n’aient été égarées. Il fallait alors héberger des Français « incités » par les Allemands à quitter la zone occupée car considérés comme « des bouches inutiles ». C’était des femmes et des enfants pour la plupart. Les Allemands les envoyaient par trains entiers en France non-occupée via la Suisse. La France était alors coupée en trois zones. Il était impossible de passer du nord occupé au sud non-occupé en traversant la zone de front. De toute façon, les voies ferrées étaient détruites. Les malheureux arrivaient en gare de Genève épuisés, mal nourris, souvent frigorifiés et désespérés. Ils n’avaient plus de toit. A Genève, la Croix Rouge les accueillait et les dirigeait sur Annemasse, Evian ou Bellegarde. Des gens tentaient à l’arrêt du train de leur apporter un peu de réconfort.
« Des réfugiés devant la gare d’Evian », photo extraite du livre très bien documenté de Rémi Riche « L’Ain 1910-1925 – Travailler, soutenir, espérer » – édité en 2017 par l’association Chroniques de Bresse – AGLCA, 2 boulevard Joliot Curie – 01000 Bourg-en-Bresse.
Les préfets et les maires avaient le devoir de chercher pour les réfugiés « des locaux suffisamment confortables et salubres ».

Etat nominatif des « réfugiés admis à Divonne-les-Bains au bénéfice de l’assistance »
du 1er au 30 avril 1918 et du 1er au 31 mars 1920.

 

 

 

 

 

 

 

Les réfugiés étaient logés à l’hôtel des Bains, dans des pensions vides du fait de la guerre ou chez des particuliers. Par exemple le serrurier Bernard Prodham et sa famille ont hébergé Maria Messin, ménagère, évacuée de Vaux sous Laon (Aisne) avec sa fille de 10 ans. Madame Messin a demandé à rejoindre son mari au dépôt du Bourget. Madame Baissot (est-ce la mère des deux frères Baissot morts pour la France en 1915?) a logé Mathilde Veldemans et Marie Vrambour de Roubaix. Marie était accompagnée de son fils André de 9 ans. Elle attendait des nouvelles de son mari à Gravelines (Nord). Mathilde attendait des nouvelles de Lyon. On imagine ces dames échangeant leurs malheurs à la veillée quand André est couché.

Les logeurs étaient indemnisés. La mairie a créé et géré une cantine, dont elle rétribuait le personnel. Elle se faisait rembourser les dépenses par le Préfet. Les réfugiés percevaient une allocation au taux journalier de 1.50 Franc, avec majoration selon le nombre d’enfants. En 1920 : adultes 1,75 par jour – enfant 1,60 par jour. Pour les secrétaires de mairie la tenue de cette comptabilité représentait un travail colossal qui s’ajoutait à la lourde tâche du ravitaillement et à la comptabilité des allocations journalières et aides aux résidents (secours de loyer, secours de foyer, vieillards, veuves de guerre, familles nombreuses, frais d’assistance médicale ou hospitalière). De plus, la ville de Divonne envoyait des dons pour soutenir des communes du nord. Elle aidait financièrement les Divonnais prisonniers en Allemagne. Tant et si bien qu’en septembre 1918, l’association des secrétaires de mairie du département de l’Ain a adressé un mémorandum au Préfet pour se plaindre « du surcroît de travail qui se déverse de plus en plus sur les mairies » et réclamer « un salaire plus en raison du travail compliqué dans la zone ».

Demande de crédit à Monsieur le Préfet : 3.200,60 Francs (Nous n’avons pas la date) :
La plupart des réfugiés et évacués venaient du département du Nord. Quelques uns venaient du Pas de Calais, de la Somme et de l’Aisne. Presque tous étaient des femmes avec enfants. Une liste du 1er septembre 1919 comprend 21 personnes de 3 à 66 ans venant de Comines (département du Nord) : 4 hommes dont un invalide, 10 enfants de moins de 18 ans et 7 femmes.

Ministère de l’Intérieur 1918 – Fixation du Régime des Réfugiés (extraits) :
La qualité de réfugié à laquelle est attaché un droit à une assistance spéciale est reconnue aux personnes de nationalité française, aux sujets des nations alliées, aux Alsaciens-Lorrains munis de la carte tricolore ou du permis de séjour. (…) Les sujets des nations neutres ne peuvent bénéficier de l’assistance aux réfugiés que si des circonstances particulières et l’examen des cas d’espèce justifient notamment dans le cas d’un mariage avec une Française, qu’à défaut de les diriger sur leur pays, le gouvernement français leur vienne en aide. (…) Sous réserve de la question de nationalité, la qualité de réfugié est acquise aux personnes domiciliées dans les régions envahies, aux évacués des places fortes et de la zone des armées, aux habitants ayant quitté des communes soumises au feu de l’ennemi.
Les réfugiés devaient rechercher du travail. S’il refusaient un emploi, on leur refusait l’allocation. En cas de mauvaise conduite, on leur coupait l’allocation. Le maire devait veiller à ce que des enfants ne soient pas abandonnés à cause de la mauvaise conduite de leurs parents, comme le montrent les articles 19 et 20 du Régime des Réfugiés :
Il semble que l’attribution de l’allocation aux réfugiés ait cessé au niveau national en 1920. Le 18 mars 1920, le sous-préfet de Gex adresse au maire de Divonne une note comme quoi « le maire ne doit pas engager des dépenses pour allocations et secours accessoires sans en avoir préalablement référé à la Préfecture ».

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