Le Grand Hôtel de Divonne est transformé en hôpital militaire du 27 septembre 1914 au 3 janvier 1919 avec 90 lits. Dans un premier temps, jusqu’au 21 novembre 1914, l’hôtel devient une annexe de l’Hôpital Auxiliaire 13 de Gex, appelé HA 13bis, sous la direction et le contrôle de la SSBM (Société de Secours aux Blessés militaires), une section de la Croix Rouge française. (D’autres hôpitaux militaires pendant la Grande Guerre sont gérés par l’Union des Femmes Françaises ou par l’Association des Dames françaises. Les hôpitaux militaires sont soit auxiliaires, soit bénévoles, soit complémentaires). Celui de Divonne est dirigé par Mlle Suzanne Lhomme, infirmière diplômée de la Croix Rouge et Madame Georges Berger sous la direction du docteur François Roland. Une souscription, ouverte à Genève dans les premiers jours de la guerre a réuni 3.000 Francs (Journal de Genève du 6 août 1914).
A partir du 21 novembre 1914, l’hôpital militaire de Divonne devient indépendant. Il s’étend à la fois sur le Grand Hôtel et sur l’établissement hydrothérapique. Il se spécialise dans la neurologie, conformément à l’indication principale de la station thermale. On y soigne les soldats « atteints de lésions du système nerveux et d’hystéro-traumatisme », pas de psychoses, celles-ci sont traitées dans des hôpitaux qui disposent de services d’aliénés. Il semble que Divonne n’ait pas reçu de grands blessés.
L’hôpital proprement dit est installé dans le bâtiment dit « de la salle à manger » (actuel casino). A partir de 1915, 50 lits supplémentaires sont installés dans « la Vieille Maison ». Le directeur de la Société des Bains, Charles Duborgel, fait engager un médecin de Genève, le docteur Fulpius pour aider le Docteur Roland complètement débordé. Les autres médecins de l’établissement thermal, sont mobilisés, de même que le docteur Chabert, maire de Divonne.
Le Divonnais Georges Jacquet nous a transmis cette photo de l’infirmerie située dans la vieille maison. Atelier de couture. Les soldats venaient se distraire auprès des infirmières entre les soins. Une infirmière est madame Fague, une autre est la tante de Georges, une demoiselle Burnet. Georges raconte : « Elle a connu un soldat du nord, Albert Razet, caporal mitrailleur. Il était trombone de division. Il sortait du conservatoire de Valenciennes. Il a été blessé à la mâchoire. Ils l’ont retapé et il l’ont envoyé se battre dans les Balkans avec les Serbes et les monténégrins contre les troupes autrichiennes. Il lui écrivait des lettres. Il disait qu’ il était content de manger des tomates pour se passer la soif… »

Document de la BGE – Bibliothèque de Genève
Divonne : hôpital (« ambulance ») créé dans l’hôtel des Bains – septembre 1914
On reconnait sur la photo la marquise du Grand Hôtel. ARPADI a recherché qui étaient les soldats sur ce document de la Bibliothèque de Genève. Elle a trouvé que le soldat Paul Moineau, photographié avec son épouse à sa sortie de l’hôpital militaire de Divonne en septembre 1914 est mort au Champ d’Honneur le 11 mai 1915 à Neuville-Saint-Vaast.
Pendant la Grande Guerre, l’établissement thermal n’a reçu que peu de curistes, parmi lesquels on peut citer Antonin Artaud, venu se soigner en 1917 et l’écrivain Fernand Gregh, qui explique dans ses mémoires « L’Âge d’Airain » comment son médecin « lui ordonna Divonne pour rougir les globules de son sang » et comment il s’est entiché de Divonne, « ses magnifiques hôtels, sa nature virgilienne », au point d’y revenir ensuite en cure fidèlement chaque année! Voilà une histoire étonnante qu’il nous faudra raconter!
L’armistice est signée le 11 novembre 1918. Ce n’est pas la fin de la guerre. Les démobilisations se font progressivement. L’hôpital militaire de Divonne ferme le 3 janvier 1919. Les médecins thermaux reprennent peu à peu leurs fonctions, après 4 ou 5 ans sous les drapeaux. D’après Raymond Grosgurin, il s’agit des docteurs Ballet, Bonnus, Ballivet et Vieux. Le docteur François Roland, lui, n’est plus attaché à l’établissement thermal, mais « il continue de recevoir ses anciens clients ». La vie divonnaise reprend lentement son cours.