La ligne Collonges-Fort-L’Ecluse-Divonne-les-Bains qui a amené le chemin de fer à Divonne en 1899, a été raccordée à une ligne préexistante, la ligne Lyon-Genève, mise en circulation 41 ans auparavant. Le raccordement s’est fait à Collonges-Fort-L’Ecluse, ou plus exactement en-dessous de Collonges, à «Sous Villars». Quand les voyageurs venaient de Lyon, ils changeaient de train à Bellegarde et c’était pour eux un merveilleux voyage que de traverser le Pays de Gex en longeant la Haute Chaîne du Jura, comme le raconte délicieusement Fortuné Andrieu dans son roman La Fontaine divine (1925) dont l’intrigue se déroule à Divonne. La ligne de chemin de fer qui aboutissait à Divonne était de fait la ligne Bellegarde-Divonne. La Compagnie PLM (Paris-Lyon à la Méditerranée) en avait la concession depuis le 3 août 1886.
Pourquoi parlait-on d’une ligne Longeray-Divonne?
Initialement, Longeray avait été choisi comme lieu de raccordement de la ligne du Pays de Gex à la ligne Lyon-Genève. Mais dans la nuit du 2 au 3 janvier 1883, un énorme glissement de terrain s’est produit entre Longeray et le Fort L’Ecluse. L’éboulement, en dévalant jusqu’au fond de la vallée a détruit une portion de la voie Lyon-Genève (Ouf! l’express du soir était passé! Aucune victime!). Le trafic a été interrompu pendant plusieurs mois. Il a été décidé de repousser plus loin le raccordement, à un endroit plus sûr, donc à « Sous Villard ».
Expropriations sur la commune de Divonne
78 parcelles ont été expropriées sur la commune de Divonne, certaines de moins d’un are. La plus petite est un morceau de vigne de deux centiares à Arbère. Les plus grandes sont des parcelles de 46 ares. Certains propriétaires ont eu plusieurs parcelles d’expropriées. Eugène Goudard : un pré chemin de 32 ares, un pré de 2 ares et un pré et fossé de 46 ares. La commune a été expropriée au lieudit Boussé (?) d’une pâture, d’un marais et d’une terre.
Construction de la gare sur un remblai
Le gare se trouvant sur un terrain marécageux, il a fallu, pour stabiliser le réseau de voies et d’aiguillages, construire une plate-forme en remblai. Le bâtiment des voyageurs a été surélevé.
Photo ci-dessous : Sur les pentes du Mont Mussy, on voit les vignes qui ont donné son nom à la rue de Vigny. A droite, côté Alpes, aucune construction : le terrain est gonflé d’eau. Il borde le vaste marais qui s’étend de Crassy (marais des Broues) à Grilly (marais Prodon) où les Divonnais allaient ramasser la blache ou chasser les canards. Plus près du bourg, il allaient aux grenouilles et aux escargots. La zone humide a été amputée au 20è siècle (en gros) d’un tiers de sa surface pour le creusement du lac de Divonne, la zone de loisirs et les surfaces goudronnées alentour.

Et si la gare avait été placée à Villard?
Un premier projet de voie ferrée, émis en 1875, voulait raccorder Divonne au réseau suisse. Divonne aurait été une gare sur la ligne La Sarraz-Genève. Gex et Ferney auraient également été désservies. Le projet a été abandonné parce que les Suisses voulaient une voie étroite, ce que refusaient les Français. La commune avait attribué au projet une subvention conséquente ainsi que « la concession gratuite des parcelles de terrain communal traversées, à condition que la gare soit placée à l’entrée Nord du hameau de Plan, sur la route vicinale tendant de ce hameau à Vésenex. » (Conseil Municipal du 5 août 1875, cité par Raymond Grosgurin – Divonne au fil des siècles, page 266). Les élus savaient certainement que le terrain sec sur la moraine aurait constitué une bonne assise pour construire une gare. Quand il fut décidé, vingt ans plus tard de raccorder Divonne au réseau français, la commune pensait encore garder cet emplacement pour sa gare. Les trains seraient arrivés par Vesancy. Quand il fut décidé qu’ils arriveraient par Grilly, alors on a « descendu » l’emplacement de la gare au bourg.

Inauguration le 11 juin 1899.
Le dimanche 11 juin, par grand beau temps, un train à vapeur de huit wagons de luxe passait à Gex sans s’arrêter. Il amenait à Divonne Monsieur Monestier, ministre des travaux publics et monsieur Mougeot, sous-secrétaire d’état aux Postes et Télégraphes, accompagnés de députés, sénateurs et conseillers généraux, y compris de Haute-Savoie. Ils commençaient leur tournée inaugurale par Divonne où ils étaient invités, conjointement par la mairie et la Société des Bains, à un banquet au Grand Hôtel des Bains (truites de Divonne et beignets de Divonne, entre autres). A l’arrivée du train, la fanfare l’Echo de Mussy a joué la Marseillaise et les pompiers ont formé une haie d’honneur aux officiels. Les rues, fenêtres, fontaines étaient décorées de guirlandes de fleurs et de drapeaux tricolores. Le notaire Monsieur Girod avait même construit devant son étude un petit train en bois avec locomotive. Le ministre s’est extasié sur le beau paysage gessien. Il faut dire que de Gex à Divonne, les talus avaient été décorés de marguerites et de coquelicots.
Le maire de Divonne, Ferdinand Branchu, a profité de l’occasion pour réclamer dans son discours officiel une meilleure organisation douanière qui faciliterait l’entrée en Pays de Gex des produits provenant de France (il a été très applaudi ; le ministre a dit qu’il transmettrait…). Puis le maire a porté un toast au président de la République, Emile Loubet. Après le banquet, les officiels ont été raccompagnés en cortège à la gare. Ils ont repris le train pour se rendre à Gex à la grande inauguration – trois jours de festivités, décoration époustouflante, banquet populaire géant – tandis qu’à Divonne les réjouissances se poursuivront jusqu’au soir.

Photo aimablement prêtée par Divonne-les-Bains Hier et Demain.
L’omnibus Coppet-Divonne
Malgré l’arrivée du chemin de fer, le Conseil d’Administration de la Société des Bains a maintenu le service d’omnibus entre Divonne et Coppet, la communication avec la Suisse étant nécessaire à la station thermale.(Dès l’ouverture de son premier établissement de soins en 1846, le docteur Paul Vidart a organisé des transports réguliers entre Divonne et Coppet. Ensuite, la Sté Paul Vidart et Cie, puis la Société des Bains ont continué de financer un omnibus de Divonne à Coppet où leurs clients prenaient un bateau à vapeur pour rejoindre Genève.) Dans sa même séance du 22 avril 1899, le Conseil d’Administration de la Société des Bains a reconnu la nécessité d’acheter un « omnibus à cheval » dans le cas où il ne serait pas possible de faire appel à un loueur de voitures pour aller chercher les clients à la gare.



Divonne-les-Bains a été une gare internationale de 1905 à 1962.
Déclaration d’utilité publique le 24 juillet 1903 de l’établissement d’un chemin de fer de Divonne-les-Bains à la frontière suisse vers Crassier. Signature d’une convention le 9 août 1904 entre la France et la Suisse. Création de la Compagnie Nyon-Crassier pour exploiter la ligne. Le 1er mai 1905, mise en service du tronçon Nyon–Crassier. Le 3 novembre 1905 mise en service du tronçon Crassier–Divonne. Fermeture de la ligne Nyon-Divonne le 29 septembre 1962, à l’époque où se construisait l’autoroute Genève-Lausanne.

et de la ligne suisse CFF (Chemins de Fer Fédéraux)

Elle est maintenant recouverte par la rue Marcel Anthonioz.
Hors de Divonne, la voie ferrée est devenue une voie verte pour piétons et cyclistes.


Le hangar SNCF
Une voie permettait aux trains de pénétrer sous le hangar pour charger et décharger.

Une aubaine pour la FADAP!
Le hangar était situé à côté de la FADAP (Fabrique Artistique d’Animaux en Peluche). Cette proximité, en facilitant le chargement des marchandises a grandement contribué au développement de la FADAP. Les marchandises passaient directement de l’usine au train. Pas de transport intermédiaire. Les formalités douanières pour sortir de zone franche se faisaient directement au « Contrôle des zones » qui se trouvait à l’intérieur de la gare. Pas de détour en douane. Pas de perte de temps avec l’administration douanière.

La plaque tournante
Sur la photo ci-dessous, une locomotive est en train de maoeuvrer sur la plaque tournante. Elle fait demi-tour pour repartir en sens inverse. L’attraction était prisée par les enfants, passionnés par les jets de vapeur (pchitt!) et le tchou-tchou de la machine! Sur la photo ci-dessous, plusieurs personnes observent la prouesse avec intérêt.

La voiture-couchette directe depuis Paris : Divonne en était fière!
La Société des Bains a obtenu des PLM un wagon-couchettes qui amenait les « baigneurs » directement depuis Paris. Il était incorporé à un express (à une rame classique) et portait en lettres jaunes la plaque Paris-Divonne. Le trajet ne durait que 12 heures! Les hébergeurs venaient accueillir à la descente du train leurs clients chargés de bagages. Ouh là!là! Le nombre d’énormes cartons à chapeaux! Les curieux venaient voir comment les parisiens s’habillaient, histoire d’être au courant de la dernière mode.
Publicité : Train express de nuit Paris-Genève avec voiture directe pour Divonne 1ère classe. Départ 9.05 le soir de Paris, arrivée à Divonne à 9h20 le matin. Départ de Divonne à 5h30 le soir. Dernier départ de Divonne le 5 octobre.
Autre publicité PLM – saison d’été 1913 : Express de nuit pour Genève et Divonne, composé de lits-salon, wagons-lits , 1ère, 2è et 3è classe à couloir avec lavabos et water-closets. Voitures directes 1ère et 2è classe Paris-Divonne.


Antoine de Saint-Exupéry enfant venait regarder les trains
Dans son livre Edmond-Marie Dupuis – Un monde en portraits, Jeanine Avenel évoque des personnalités qui fréquentaient Divonne dont Marie de Saint-Exupéry qui venait chaque année en cure avec ses enfants. Nous apprenons ainsi qu’Antoine, quand il avait 6-7 ans, adorait aller à la gare à l’heure du train, tous les jours, parait-il. Le mécanicien trouvait le petit bonhomme tellement intéressant qu’il le laissait monter sur la machine et lui en expliquait le maniement. Il faisait avancer la locomotive de quelques mètres exprès pour lui. Antoine était le seul, parmi les petits garçons qui venaient tournicoter autour de la locomotive, à mériter ce privilège .
Le quartier de la gare se transforme…





Le chemin de fer démultiplia le nombre de visiteurs
Raymond Grosgurin nous dit dans Divonne au fil des siècles que « la clientèle tripla de la fin du siècle à 1914 ». La Société des Bains avait anticipé : avant même l’arrivée du premier train, en 1898, elle avait fait construire le Nouvel Hôtel. En 1901, elle fit surélever « la salle à manger » (bâtiment de l’actuel casino) pour augmenter le nombre de chambres. Ce qui donna un ensemble élégant de trois hôtels à la pointe du confort, attenants dans un superbe parc.

par l’actuel Grand Hôtel du Domaine de Divonne.
Et vint l’époque des Micheline, c’est-à dire des FNC et des Picasso!

au 1er plan : une machine à vapeur des CFF.
Autorail ceci, autorail cela, tout le monde disait « la Micheline ». On l’aimait la Micheline tranquille et conviviale qui s’arrêtait pour laisser les canards traverser la voie! Sur la photo ci-dessus, l’aurorail rouge et crème est un FNC (= Fédération Nationale des Cheminots), produit après la Seconde Guerre mondiale pour le service omnibus des lignes secondaires. Et sur la photo ci-dessous, un Picasso.

Les voyageurs ont surtout connu, en fait de Micheline, l’autorail X 3800. Les cheminots l’avaient surnommé Picasso parce qu’ils trouvaient que la cabine avec sa forme bizarre ressemblait à un portrait de Picasso! L’autorail tant aimé comportait deux salles de voyageurs de part et d’autre de la plateforme d’accès + un compartiment à bagages côté moteur. 62 places assises + 5 strapontins sur la plateforme.
Suppression de la 3ème classe en 1956.
La ligne a été fermée aux voyageurs le 31 mai 1980 et le trafic reporté sur route. La ligne servira encore au transport des marchandises sur certaines parties jusqu’en 2014. Pour plus de précisions, voir le site de Xavier Geillon – rubrique Trains réels – Ligne Bellegarde-Divonne >>>
Cette affiche PLM faisait la promotion de la station dans les gares aux côtés d’affiches vantant Antibes, Bandol ou Chamonix… Plus jolie en réalité que sur cette carte postale qui déforme les couleurs, cette affiche est une oeuvre de Jean Janin, 1934. Des reproductions sont en vente à l’Office de Tourisme de Divonne-les-Bains.
Nos remerciements pour leur aide aux associations
Divonne-les-Bains Hier et Demain et ARPADI.