Il y a longtemps-longtemps, le géant Gargantua est passé par Divonne en se rendant à Genève. Il voulait déverser des pierres et des cailloux dans le lac de Genève pour construire un gué qui lui permette de traverser le lac sans se mouiller les pieds. Pour remplir à ras bords sa grosse hotte avec des pierres, de la terre et des cailloux, il a creusé dans la Haute Chaîne du Jura un trou qui a formé le col de la Faucille.
Puis il est descendu dans la vallée, bien chargé, tout content, direction le lac Léman. Or, quand il s’approchait de Divonne, crac! une bretelle de sa hotte a cassé et poum ! la hotte s’est renversée. Le gros tas de pierres et de cailloux a formé le Mont Mussy. Et plein de cailloux ont roulé tout partout. Gargantua s’est mis à jouer aux palets avec les cailloux. Il adorait ça, lancer des palets. On en a retrouvé plusieurs : un gros à Vesancy, à côté de la route qui vient de Divonne, plusieurs plus petits sur la colline de Riantmont et à Divonne celui qu’on appelle « la pierre à cercles ». C’est peut-être Gargantua qui a tracé des grands cercles bizarres sur cette pierre, pour s’amuser?
On raconte qu’un des palets jetés par Gargantua a atterri du côté des marais. Mais où? On ne le voit pas! S’est-il enfoncé dans le sol? L’a-t-on utilisé dans la construction d’une maison? Un collectionneur l’a-t-il volé ? C’est ce palet-là, en tous cas, qui a donné son nom à la rue « du Galet de Gargantua », dans la zone artisanale.
Gargantua avait de la suite dans les idées. Il a réparé la bretelle de sa hotte. Il a à nouveau rempli la hotte de pierres et de cailloux et l’a portée à Genève. Deux de ses gros cailloux sont restés dans la rade, bien visibles encore actuellement. On les appelle « les pierres du Niton ». Ces pierres servent aux scientifiques de point de départ pour mesurer, en Suisse, l’altitude au-dessus du niveau de la mer. Elles sont utiles. Gargantua avait raison de jouer aux palets.
Il est probable que Gargantua a construit son gué en aval de Genève, non pas sur le lac, mais sur le Rhône. C’était l’époque, il y a longtemps-longtemps, où le Rhône se perdait. Voui! Il se perdait, se promenait sous terre, puis réapparaissait au grand jour quand ça lui chantait. Comme tous les fleuves, il n’en faisait qu’à sa tête! Depuis la construction du barrage de Génissiat, le niveau de l’eau du Rhône a monté-monté. Maintenant on ne voit plus les endroits où le Rhône disparaissait sous terre, quand il était libre et qu’il pouvait jouer à cache-cache avec les géants…
Les savants disent que les cailloux lancés par Gargantua sont des « blocs erratiques ». Ils ont toujours de jolis mots pour nommer les mystères du sol sur lequel nous vivons.

Une version de la légende de Gargantua, parue dans le « Bulletin de la Société des naturalistes et des archéologues » de janvier 1935, est en ligne sur Raconte-moi Divonne! >>>