Dix « usines » au centre de Divonne en 1857

Nous appelons moulins, non seulement les moulins à blé ou à huile, mais aussi les entreprises qui fonctionnaient avec l’énergie de l’eau faisant tourner des roues à aubes ou à augets : scieries, martinets, tourneries, forges, taillanderies, cuivreries, fabriques de pâte à papier, foulons pour fouler les tissus, battoirs à chanvre pour la fabrication de sacs ou de cordes, etc. Dans les documents du 19ème siècle, ces entreprises sont désignées le plus souvent par le terme usines et leurs propriétaires sont des usiniers.

Un ordre de service des Ponts et Chaussées de Bourg-en-Bresse datant du 10 décembre 1857, liste les dix usines qui se trouvaient au centre du village de Divonne, entre le pont Fosseret et le pont Bacon. Le pont Fosseret est entre l’hôtel de ville et le casino. Le pont Bacon relie l’église au temple. A peine plus de 500 mètres les séparent.

Le pont Fosseret n’avait qu’une seule arche.

1 Usine hydraulique de Paul Vidart et Compagnie
Il s’agit du premier institut hydrothérapique divonnais, installé en 1850 par le docteur Paul Vidart dans une fabrique de papier désaffectée sur la rive droite de la rivière, en face du Grand Hôtel devenu casino de Divonne. Le premier institut hydrothérapique a fonctionné jusqu’à l’ouverture d’un deuxième établissement en 1885. Il a été détruit en 1947.

A gauche, l’arrière du premier Institut Hydrothérapique

2 Moulin Grandvaux Jean David à Genève, propriétaire
Moulin à blé datant du moyen-âge, transformé en diamanterie par Eugène Goudard en 1885, puis, à partir de 1887, usine hydroélectrique de la Société des Bains. Il a pris le nom de David car la famille David l’a possédé sur trois générations. L’usine, restaurée de 2001 à 2014 par l’association Divonnelectro, est maintenant la plus ancienne usine hydroélectrique de France en état de fonctionnement, intégralement dans son site d’origine. Elle se visite gratuitement tous les dimanches matin. Voir notre article Histoire du Moulin David.
Recensement de 1856 : Grandvaux Salomon, maître meunier (55 ans) avec ses deux fils Antoine (30 ans) et Louis (29 ans), garçons meuniers.

3Scierie de Gaspard Paris
Recensement de 1856 : Peut-être ici, Louis Rancuret, maître serrurier, Joseph Rancuret, menuisier, Jean Rancuret, maître menuisier, avec deux ouvriers menuisiers.
Nous supposons que cette scierie est devenue plus tard l’entreprise d’Albert Pièce (1857-1913) puis la « menuiserie, ébénisterie, parquets, vitrerie » de son fils Emile Pièce (1885-1957) qui a fonctionné jusqu’en 1958.

Scierie-menuiserie

4Martinet et scierie de Louis Stoky
Dite ailleurs taillanderie, l’usine Stoky, sur la rive gauche de la Divonne, est devenue la forge du charron Noël, détruite au début des années 60 et remplacée par un immeuble dont les entrées donnent sur la rue Fontaine. Les roues de la scierie Paris et du martinet Stoky étaient desservies par un même canal.
Notre article Moulins d’autrefois à Divonne montre des photos des deux entreprises voisines dépendant du même canal.
Recensement de 1856 : Louis Stoky, taillandier (45 ans) avec son fils, apprenti maréchal (comprendre : maréchal-ferrant)

Forge du charron Noël

5Usine à tourner le fer de Meyer
Ailleurs nommée quincaillerie-tournerie.
Recensement de 1856 : S’agit-il de Jacques Meyer, mécanicien (49 ans) + Peter Henry, mécanicien + 2 ouvriers mécaniciens et 1 apprenti mécanicien?

6Moulin et pressoir de Jean Girod
Recensement de 1856 : Girod Jean, meunier (66 ans) avec son fils et deux garçons meuniers.

7Martinet de Jean Marie Bastian
Recensement de 1856 : Jean Bastian (46 ans), taillandier

8 Scierie Perret, dit Louis Perret
Recensement de 1856 : Olivet François, scieur de bois

Le moulin à blé Girod, le martinet Bastian et la scierie Perret (le document des Ponts et Chaussées indique : barrage commun) étaient alimentés par le bief. Un canal suspendu, aujourd’hui disparu, partait du bief au niveau de l’actuelle terrasse du restaurant de La Truite, pour déverser une chute d’eau sur la roue de la scierie Perret. Le bief existe encore, c’est même une curiosité. Le flot impressionnant de son déversoir, place du Bief, fait l’admiration des passants.

Le « barrage » qui envoie l’eau au bief
Le bief devant l’ex-martinet Bastian
Déversoir du bief, place du Bief.

La place du Bief était le centre industriel de Divonne! Le moulin Girod avait un pressoir sur l’autre rive du bief. Plus tard une diamanterie s’est installée à côté, dans l’actuelle école de musique. Le moulin Girod, le martinet Bastian, la scierie Perret étaient trois usines importantes. Imaginez le bruit de l’eau, des roues hydrauliques, de la scie, du marteau, des outils, sans compter les sabots des chevaux, les roues des chars, les interpellations… A l’époque, le transport des grumes et des planches n’avait pas accès à la rue Fontaine qui était un cul de sac. Imaginez les difficultés des chars quand ils devaient manoeuvrer place du Bief, entre la scierie, le pressoir et le martinet…

9Usine à battre le blé de Gaspard Barberat et Louise Barberat (frères) (?)
Le recensement de 1856 indique Gaspard Barberat, rentier (64 ans) et Barberat Louise, rentière (65 ans).
La roue du battoir Barberat (on disait aussi la mécanique Barberat) existe encore, sur une propriété privée, restaurée en roue métallique.

Roue du battoir Barberat

10Usine à forger le fer de Jules Grosfillex
Recensement de 1856 : Grosfillex Jules, maréchal (= maréchal ferrant)

Remarques :
Un seul propriétaire n’est pas divonnais : Jean David était genevois.
Les moulins avaient souvent plusieurs fonctions : martinet et scierie Stoky.
Il y avait 3 scieries très proches au centre du village: Paris, Stoky et Perret, sans compter la scierie Fosseret en amont du pont Fosseret et la scierie Lamy à Plan.


Les indications de l’ordre de service des Ponts et Chaussées de 1857 correspondent au « plan des usines le long de la rivière en 1861 » dans Divonne au fil des siècles de Raymond Grosgurin, page 222-223.
Sauf pour la scierie Olivet, ici nommée scierie Perret.

Nous n’avons pas dit pourquoi en 1857 les Ponts et Chaussées de Bourg-en-Bresse ont envoyé à Divonne un ingénieur avec charge d’observer les usines le long de la rivière… Ce sera l’objet d’un autre article!

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